Nous étions six ce dimanche pour la première tentative de canyon de la section rando-escalade. Deux nouveaux , d'Aubagne, nous accompagnaient: Iris et Christian.Les gorges , trop séches ont été parcourues par tout le groupe sous un ciel radieux!
Participants : Gérard , Gaston , Iris , Mireille , Christian , ?
Pour ceux qui suivent les aventures des AN : Lire ci dessous
ANGOISSES AU VAL D’ANGOUÏRE
Il faudrait le refaire en été ! Formule lapidaire prononcée par CHANTAL un 15 aout au sortir du ravin des Enfers en UBAYE il y a bien des années ! Cette sentence, je la reprends à mon compte, ce printemps, alors que nous enfournons nos combinaisons trempées dans le coffre des véhicules à la sortie du val d’ANGOUÏRE. Fourbus, rendus, mais vivants ! Un peu emphatique peut être. Quoi que ?
Ce ravin , je l’ai maintes fois pratiqué, et presque toujours à sec . La première fois remonte au fonds des âges , alors que l’ anglicisme canyoning n’existait pas encore ( à l’évidence , mon correcteur orthographique semble encore l’ignorer et me le souligne en rouge ). En ce qui me concerne je lui préfère celui de descente de clue plus prosaïque ; à la rigueur franciser en canyonisme le terme d’origine espagnole semble plus acceptable à mon épidermique aversion des rosbifs.
En cet été 1986, peu après le déluge donc, nous séjournions au camping de LA PALUD avec des ambitions de grimpe à la falaise des Malines et aussi de découverte de ce ravin , dont RENE , explorateur émérite, avait remonté les premiers escarpements en partant du parking aval ; reconnaissance qui lui apparaissait très prometteuse dans le cadre d’une descente plus conventionnelle , en suivant l’eau !
J’avais, pour ce faire, lors d’une réunion du Comité Régional de la Fédération Française de la Montagne au siège du Club Alpin, « volé »quelques bulletins anciens, disposés sans doute à cet égard, sur la table de réunion. Dans l’un de ces bulletins, figurait une note succincte sur deux clues au pays du VERDON, : « LE RIOU » et « LE VAL D’ANGOUÏRE ».
« Profond vallon débouchant à l’est de MOUSTIERS SAINTE MARIE , il descend du SERRE DE MONTDENIER.
Le départ s’atteint par la piste de VENASCLE, aisément carrossable. On laisse les voitures au niveau du barrage de terre en contrebas de la piste. Le lac est normalement à sec.
Il y a deux façons de procéder :
- simple descente : laisser une voiture au camping en bas du Val et effectuer une longue navette de plus de 30 km surtout en piste.
- Parcours en aller-retour : conseillé, mais plus difficile- prévoir 5 cordes spéléo de 10 à 20 m pour équiper les rappels- jumars indispensables.
La partie étroite est généralement à sec, sauf quelques gours. Le bas offre des vasques et des cascades superbes et des sources pour les assoiffés .
Très facile si l’on ne fait que descendre, c’est un beau parcours pour débutants ( qui a été fait avec un enfant de 5 ans ) . Dans ce cas prévoir une corde de 40 m pour les rappels et quelques anneaux à laisser. Les rappels sont équipés.
Pour la descente compter 2 H 30. En aller retour , prévoir 5 h pour une équipe de six. »
SUCCINCT N’EST CE PAS ?
J’étais donc armé de ce descriptif qui prévoyait la mise en œuvre d’une logistique complexe permettant d’éviter toute marche d’approche grâce à une navette de voiture.
Fortuitement nous apprenons la présence au camping de deux futurs adhérents varois aux AN. Afin de faire plus ample connaissance, ils nous invitent dans leur caravane ( déjà la pernicieuse tentation du confort …) , et obligeamment nous leur proposons de se joindre à nous pour cette expédition. Leur expérience est apparemment embryonnaire, mais qu’importe ; ils apprendrons sur le tas ! ANDREE prétextant être arrivée au chapitre crucial du « fauteuil hanté » et préférant LEROUX à son Gaston de mari, décline poliment notre invitation et se propose d’amener une voiture au débouché de la clue pour faciliter notre navette.
Nous voilà donc partis , PIERRE, MONIQUE, CHANTAL , CHRISTIAN et votre serviteur , via les ruines de CHATEAUNEUF LES MOUSTIERS , où la route s’interrompt pour donner suite à la piste de VENASCLE « aisément carrossable » dit le topo, et que seules celles du haut ATLAS peuvent nous faire oublier. Au bout d’une quinzaine de kilomètres et plus d’une heure de parcours brinqueballant , nous arrivons enfin à la ferme de La Clue , puis au barrage où nous abandonnons ce qui reste de la voiture de CHRISTIAN . Notre équipement est réduit au minimum ! Normal pour « un parcours pour débutants » ; pas de combinaisons, mais une tenue estivale pour plagiste ; des cordes, mais seulement quatre baudriers pour cinq ; ce qui me contraint , derechef, à réviser et tester , la réalisation d’un baudrier de fortune à base de sangles dont la largeur est tout à fait indiquée pour une strangulation immédiate interdisant toute circulation sanguine. Enfin équipés, nous quittons la piste pour nous engager dans la gorge totalement à sec.
Nous cheminons rapidement sur le fond caillouteux et de blocs en blocs , après plusieurs centaines de mètres de méandres, parvenons au premier rappel , rive droite. Ce premier obstacle franchi , nous poursuivons, à sec, dans une zone faiblement encaissée et sans déclivité notoire. Puis s’enchaînent plusieurs rappels entrecoupés de courtes marches , de désescalades toujours à sec. Enfin quelques mares stagnantes, précédent une partie très encaissée de la clue qui se franchit par un rappel de 6 m qui amène dans une vasque suspendue qui se déverse elle même dans une immense salle d’érosion en forme de poire et particulièrement sombre. Pour y accéder, une corde fixée dans la première vasque permet de traverser en tyrolienne sans s’immerger totalement, afin d’atteindre le rebord du déversoir d’où un nouveau rappel de 14 m mène au fond d’une vasque peu profonde. A la sortie de la salle , la gorge étroite est doublement défendue par un gour d’eau profonde et un talus de pierrailles amoncelées. On pourrait légitimement penser qu’une descente de clue avait pour logique fin , de suivre le cheminement de l’eau et de s’immerger chaque fois que cela est possible avec délectation. Que nenni !
Courageusement , en technique alpine , mous attaquons l’étroit en opposition et ainsi le baptême en eau stagnante douteuse est ainsi évité. Il nous reste à franchir le talus caillouteux qui devrait, pour des randonneurs de notre force, être abordé sans arrière pensée. C’est hélas sans compter avec dame nature qui avec sa méchanceté coutumière, a disposé au milieu du passage, large de moins d’un mètre, un reptile léthargique, de teinte sombre, qui provoque un ralentissement, voire un arrêt brutal de notre progression. La faible luminosité du lieu ne nous permet pas d’examiner, avec l’attention voulue, la forme ronde ou verticale de la prunelle , pas plus que la finesse de la queue de l’ophidien. Vipère ? couleuvre ? Sans réponse à la question, les plus téméraires reprennent , à distance, la progression en opposition assurant un passage à plus de 2 m au dessus du monstre. Des fois qu’il sauterait malgré son état d’hibernation évident ! CHANTAL, elle, s’est subrepticement munie d’une grosse pierre, qui si elle constitue un handicap pour la progression en opposition , lui permet , à la verticale de l’objectif, d’effectuer un bombardement meurtrier dont nous ne saurons pas si la bête , probablement inoffensive, s’est sortie indemne. … Nous débouchons à nouveau au soleil. Un arbre incliné sur le lit du torrent, nous permet de regagner les vasques et par des contorsions simiesques, d’éviter au mieux, les zones humides.
Une rapide progression en zone découverte nous regroupe au sommet d’un toboggan , à l’aplomb d’une grande piscine terminale 20 m plus bas. Cette fois ci il va falloir se mouiller ! Le rappel installé permet de franchir la lèvre du surplomb. Au dessous, un rétablissement permet de rejoindre un sentier en traversée, évitant ainsi, l’arrivée directe dans la vasque. Un ou deux courageux acceptent d’y descendre sans rechigner.
La suite nous mène au confluent du ravin de VENASCLE , sur la droite ; puis de ressaut en ressaut , le long des résurgences, cascadelles et tufs moussus.
A la limite des propriétés privées, à cette époque, un petit canal suivi d’un chemin privé permettait de rejoindre directement le parking où ANDREE termine le dernier chapitre de G. LEROUX. Il ne reste plus qu’à repartir pour une navette de 30 km pour récupérer l’épave de CHRISTIAN.
Par la suite nous réitérerons l’exploit en 1989 avec quelques randonneurs dans un canyon toujours à sec. Rien d’exceptionnel à signaler si ce n’est quelques interrogations d’HENRI, notre crabe dormeur, quant à la façon de passer la vasque de « l’étroit du serpent ».
Six ans plus tard, en septembre 1995, PASCALE , JEAN CHRISTOPHE et leurs copains m’invitent une nouvelle fois à participer à cette descente . Ils campent au VERDON et je dois les y rejoindre avec ANDREE. A leur interrogation quant au besoin de combinaisons, je réponds de façon péremptoire par la négative , considérant que cette clue est définitivement sèche ! ….Sauf cas d’orages ou ….
Au matin assailli par je ne sais quel doute, je glisse en catimini , un bas de combinaison au fond de mon sac ; …pour le cas où….
Au carrefour ST CLAIR, nous rejoignons le groupe encore peu éveillé. Très légers , nous attaquons le GR4 qui coupe les premiers lacets de la route de LA PALUD, pour partir à l’assaut de la falaise de L’OURBES au sommet de laquelle nous bifurquons sur le tracé jaune pour rejoindre de l’autre côté du plateau le départ de la clue ; cela en un peu plus d’une heure.
La présence de boue dans le lit du torrent témoigne des orages récents sans pour autant nous inquiéter….sauf ANDREE bien sûr ! Rapidement nous accédons aux premières vasques où il nous faut patauger avec de l’eau jusqu’à la taille . ANDREE déjà peu portée vers les activités aquatiques , me tient pour personnellement responsable du traquenard dans lequel je l’aurais délibérément entraînée sans combinaison et surtout sans avoir repris sa formation natatoire. Sans concession , elle nous abandonne au premier bief, jurant qu’on ne l’y reprendrait plus et reprend à revers le sentier d’accès pour se replonger dans l’ambiance «Rouletabille » en nous attendant , si toutefois elle envisage sérieusement notre retour !
De mon côté , l’air de rien, sous le regard médusé de mes compagnons j’enfile en sifflotant mon bas de combinaison ! Je vous l’avais dit : toujours à sec sauf exception qui confirme la règle !
Je me fais discret et je repars avant les prémisses d’une rébellion toujours possible .Je vais payer cher ce confort relatif ! Tout au long du parcours je vais devoir m’immerger dans l’eau froide et boueuse sans haut de combinaison , renouvellent périodiquement ma réserve d’eau fraîche dans la partie basse en poussant les » cris de joie » que vous imaginez, tout cela dans le seul but de sonder chaque gour, biduler des tyroliennes et des rappels déportés pour éviter toute éclaboussure à mes compagnons devenus tout à coup particulièrement exigeants . Enfin sortis des dernières difficultés , ceux qui tout à l’heure étaient soucieux d’éviter la moindre goutte d’eau , prétextant leur absence d’équipement, s’ébrouent avec délectation dans les résurgences ensoleillées au mépris des efforts , par moi accomplis.
Fin du troisième épisode !
Le quatrième , je le ressasse en enfilant des habits secs, eux ! et surtout moins crottés que ceux que j’abandonne !
Depuis de nombreuses semaines PASCALE me harcèle : « Dès que tu seras à la retraite IL FAUT que fassions des canyons ! ». Attend t’elle ma préretraite pour que je sois plus vieux et donc nécessairement plus sage, ou veut elle hâter la pratique afin d’en profiter avant que je ne sois définitivement sénile ? L’alternative reste ouverte et je ne saurais forcer la réponse me conservant le bénéfice du doute. Toujours est –il qu’ elle ne me prend pas totalement à la gorge ; en préretraite le 1er mai une date est fixée au 13 , en principe pour effectuer , avec plusieurs de ses collègues et amis , la partie supérieure de LA CAGNE au COL DE VENCE. Plus la date approche, plus je suis perplexe. Le printemps a été particulièrement pluvieux et cela tardivement . Les neiges ont fondu dans l’arrière pays, alimentant abondamment les bassins versants et les nappes phréatiques ; peut être mêmes les habitants de la Somme ont ils tenté de déverser leur trop plein dans le réceptacle du haut var ! Mais que fait la police ! C’est la dernière fois que je vote à gauche !
Lors de ma dernière visite à ST JEANNET , en avril, il m’a semblé que le débit restait conséquent sous le pont ; qu’en est il aujourd’hui ? Je suis tenté d’appeler notre correspondant permanent à ST JEANNET , le bien connu Gérard BURNOUF flibustier de son état, pour lui demander un sondage de contrôle ; mais j’y renonce au profit d’une idée lumineuse : proposer ANGOUÏRE , clue presque toujours à sec et probablement très ludique avec un peu d’eau ! PASCALE se laisse spontanément convaincre et l’ordre des départs est fixé :
A 8 H , le dimanche 13 , jour de chance donc , nous embarquons à huit dans l’espace de ROBIN et notre 206.Après un parcours sans embûches ( tiens donc !) , nous nous garons six ans plus tard ( 6 ans depuis la dernière fois bien sûr ! Faites un effort pour suivre sinon je vous encorde !) , au carrefour ST CLAIR.
AUDREY, FRED, ROBIN, JEAN CHRISTOPHE, PASCALE, FRANK et ANDREE se préparent.
Pendant ce temps je me précipite jusqu’au pont pour estimer le débit. Mon bel optimisme est sévèrement ébranlé par la vue du flot furieux qui caracole au confluent de LA MAÏRE puis vers le lac de STE CROIX pour mélanger ses eaux à celles du VERDON. En moi même , je cherche à me convaincre que ce débit inhabituel est dû à la confluence des deux ravins de VENASCLE et D’ ANGOUÏRE ainsi qu’aux résurgences en aval.
Il fait beau ! nous verrons bien là haut ! Toutefois j’avertis le groupe du risque de devoir , après constat , renoncer à la descente.
Après avoir rempli les bidons , tassé les sacs à dos , saucissonné les combinaisons avec force sangles, le convoi s’ébranle au gré des marques du GR 4 qui recoupe les lacets de la D 952 conduisant à LA PALUD, pour monter lestement en direction est sud est vers la falaise de L’OURBES . J’ai déjà lu ça quelque part ! Bis repetitas ; juste pour vérifier que vous êtes toujours là ! Déjà la sélection naturelle s’établit, les jeunes caracolant à l’avant, les vieux derrière, ménageant leur souffle et leurs muscles encore froids pour une journée qui peut être longue.
Prémonition ? non , plutôt un peu de fatigue accumulée au cours de la mise en jambes de la journée précédente. Car il faut , à cet endroit , préciser que compte tenu de la relative inexpérience de certains participants ….non, non, je ne citerai pas de noms, j’ai exigé que PASCALE les familiarise avec les manœuvres de cordes et les rappels, ce avant que je teste moi même leur niveau , avant d’entreprendre notre expédition.
Donc , la veille , selon notre habitude, nous partons avec ANDREE et ALAIN pour nous livrer à notre journée d’escalade hebdomadaire. ( je n’ai pas encore pris mes quartiers de préretraite qui devraient augmenter cette fréquence de manière significative ) .
D’emblée, nous avons renoncé à une grande voie en STE VICTOIRE ce qui nous ferait renter très tard, au profit d’ une escalade en STE BAUME au PIC de BERTAGNE que nous avons un peu négligé depuis le printemps dernier.
Abandonnant la voiture au PIN de SIMON , nous empruntons le tracé marron de la Grande Baume pour gagner rapidement le col de Bertagne , le monument des EXCURS et enfin le pied de la face ouest où l’arête intégrale de la Glacière nous attend. Après une longueur à l’ombre, le soleil nous réchauffe déjà dans les longueurs suivantes. Après une traversée délicate qui nous déverse dans un bouquet de chênes , cela au grand dam d’ANDREE, j’ai ensuite, le bonheur de récupérer un coinceur qui a échappé à la vigilance d’YVES. Après ces menus travaux de génie civil , je gagne un relais confortable sous un surplomb , au milieu des touffes de thym en fleurs et des coussinets de stellaires d’un blanc immaculé. Un bloc instable est précipité au bas de la paroi , d’où une forte odeur de poudre remonte aussitôt. En deux longueurs rapides nous arrivons à l’épaule et à la sortie de notre voie . Par le jardin suspendu , nous enchaînons les rappels en pleine face pour rejoindre nos sacs qui nous offrent un déjeuner rapide. Le retour à la voiture s’effectue sans gloire, : des visiteurs indélicats l’ ont ouverte et ont emprunté notre beau poste radio/lecteur de CD CLARION. ,Je n’ai pas le cœur à chanter la chanson de BRASSENS : Stances à un Cambrioleur. J’ENRAGE !
Après avoir déposé ALAIN à CASSIS nous repassons par la route des crêtes pour rejoindre PASCALE et son stage de formation. Ensemble nous testons les enchaînements de rappels menant au bas du Cirque du 14 juillet vers le sentier de PHILEMON. La pratique du rappel quoique lente , apparaît bien maîtrisée ; qu’en sera-t’ il en présence d’eau ? La journée de demain apportera la réponse à cette insidieuse question . Suivant le tracé noir nous longeons la falaise vers la gauche, en direction de CASSIS et du pas de LA CHEVRE , la grotte des EMIGRES que nous visitons et par la crête nous revenons , un peu las vers le parking du sémaphore où nous attend la voiture :
Journée particulièrement chargée à la veille d’une sortie canyoning !
Pour ceux qui sont largués depuis longtemps, je reprends maintenant notre marche d’approche du dimanche 13, ça y est , vous suivez toujours ?
Donc, qui handicapé, qui dopé au contraire par les amuse-gueules de la veille, nous atteignons le pied de la falaise dont nous franchissons peu à peu les escarpements, nous élevant progressivement au dessus du lac de STE CROIX qui nous apparaît bientôt dans toute sa splendeur .Que pèsent aujourd’hui les controverses sur les villages enfouis au profit d’EDF et des promoteurs de tout poil , pressés de reconstruire , d’aménager , de dompter ce VERDON sauvage, rétif comme ses habitants , pour le plus « grand bonheur » des régatiers, pécheurs, pratiquants de pédalo sportif , limonadiers et autres « vacanciers » teutoniques ( qui ont hélas abandonné toute référence à la chevalerie) ?
Laissant cette interrogation hautement métaphysique sans autre réponse , nous abandonnons aussi le GR4 poursuivre sa course vers CASTELLANE , et nous nous engageons à gauche ?……oui à gauche ! cela fait trois fois que je vous en parle ! je vous sens particulièrement distraits ; serait ce , le printemps, les petites fleurs ou plus prosaïquement le mal des rimayes avant la grande immersion de tout à l’heure ?
Traversant le plateau plein est , nous suivons à un rythme accéléré une succession de clairières égayées de pelouses accueillantes puis enchaînons les lacets rapides qui nous conduisent à la clue.
Avant d’y accéder , nous sommes alertés par un bruissement qui pour être habituel au voisinage d’un ruisseau , m’inquiète d’autant plus que cette zone DEVRAIT ETRE A SEC ! Mon optimisme reconstitué au cours de la montée est à nouveau assailli de toutes parts , si j’osais ? Il PREND L’EAU !
Vers midi nous sommes au contact ; ..de l’eau bien sûr ! ..beaucoup d’eau ;.. beaucoup trop d’eau !
Comment annoncer un raisonnable renoncement sans trop les décevoir ? Un repli stratégique est il envisageable avant de livrer bataille ?
Alors que nous franchissons le gué à la recherche d’un endroit propice au déjeuner, un important groupe de randonneurs semble lui aussi quelque peu surpris par l’ampleur du courant, tergiversant sur la bonne option de traversée.
L’heure optimum de départ (HOD) étant fixée à midi , je reporte ma décision définitive à l’issue du déjeuner qui se déroule apparemment sans anxiété particulière du moins en ce qui me concerne : tant que nous ne sommes pas partis , nous sommes en sécurité ; la palissade qui en dit quand même long sur mes incertitudes.
Précipitant les agapes , je commence à m’équiper , ce qui veut dire qu’intuitivement j’accepte le risque d’aller voir jusqu’au prochain point de non retour . Un groupe de huit personnes , peu familiarisées avec ce type d’activité , est lourd à manœuvrer . Le temps moyen de parcours de la clue pour un groupe de trois est de 2 H 30 à 3 H . A huit , compte tenu des rappels, il est à craindre que nous doublerons au moins cet horaire. Le temps presse !
Après un rappel (pas un rappel , une remise en mémoire !) succinct des règles de sécurité et de comportement en descente de clues , nous nous engageons à la queue leu leu sur la partie quasi horizontale du ruisseau , nous promettant de prendre une décision dès la première verticale.
Déjà j’atteins le premier étroit ; oui celui où ANDREE nous quitte habituellement . Je compte sur l’ambiance , l’encouragement des autres participants pour éviter cet écueil. Là, l’eau me monte déjà au dessus des bretelles et il faut sacrifier à l’enfilage de la veste pour assurer une étanchéité acceptable, à l’eau au demeurant plutôt fraîche. Ce que je craignais ne manque pas de se produire , il faut toute la pression chaleureuse du groupe pour qu’ANDREE renonce à une décision plutôt sage. Nous poursuivons.
Au premier rappel , après un coup d’œil furtif en aval et une appréciation de mes chances de remontée en escalade, je m’engage sans arrière pensée, du moins en apparence ; ANDREE , puis le reste de la troupe, suivent. Le méandre se poursuit sans difficultés particulières . Plusieurs ressauts sont franchis et nous accédons à un rappel de 12 à 15 m généreusement arrosé par une cascade se précipitant dans une grande vasque écumeuse , suivie d’ un virage brutal à 90° sur la gauche. Le point de rappel est placé largement en contrebas . Je m’engage sur une rampe constituée de blocs balayés par la cascade et je débouche dans la vasque . Comme prévu la zone d’écume ne porte pas, constituant un remous piégeant qui tend à me ramener sous la douche. Comble de malchance un « palangre » de corde m’a emprisonné le pied gauche , m’empêchant de me libérer rapidement. A l’issue d’une bagarre un peu épuisante je parviens à larguer la corde et à m’éloigner de la zone dangereuse.
Le point de non retour est peut être atteint !
Je ne pense pas pouvoir engager ANDREE dans ce piège, pas plus que les jeunes d’ailleurs !
Je crie pour que l’on remonte la corde pour la démêler. De mon côté je cherche un passage d’escalade pour rejoindre le groupe. Ce passage m’est offert par le tronc d’un gros chêne puis par une cheminée facile qui me ramène au point de départ où je découvre un équipement hors crue. Sachant que l’on peut remonter je décide de continuer. Les passages s’enchaînent ; j’équipe devant ; PASCALE et FRANK rappellent les cordes à l’arrière et je suis convaincu qu’ils n’ont pas la meilleure part. De ressauts en petits rappels ( inutiles quand le ravin est à sec ) nous nous rapprochons de la zone des étroits qui donne accès à la grande salle en forme de poire. Les gours qui la précèdent sont protégés par une cascade unique , dense , bruyante , martelant d’un seul jet le ressaut qu’il faudra traverser pour poursuivre en aval. Un seul équipement permet d’installer le rappel. La seule technique envisageable, est de descendre le long de la cascade en évitant de se soumettre à sa violence évidente, de la contourner par en dessous pour la traverser ensuite très rapidement pour franchir les derniers mètres permettant de s’échapper en aval. Je m’interroge pour estimer qui sera capable du sang froid nécessaire à une manœuvre théoriquement simple mais qui ne tolère aucun à peu près , aucune hésitation sous peine de rester bloqué sous le marteau pilon, dans un aérosol redoutable ?
Je pense qu’ANDREE sera probablement paniquée par la force de l’eau. Quant aux autres , si je ne m’inquiète pas pour leur qualités aquatiques , j’ai encore quelques doutes sur leur capacité à maîtriser un rappel un peu technique , avec des cordes mouillées et une douche au canon anti-émeutes.
Je cherche désespérément un équipement hors cascade sans en trouver.
Trois alternatives s’offrent à nous :
-Continuer avec le risque évoqué ci dessus et peut être des difficultés plus grandes encore en aval, avec le passage de la poire .
-Reprendre à rebours le chemin accompli et retourner ensuite par les sentiers empruntés le matin.
-Tenter une sortie vers le haut en rive gauche pour franchir les escarpements pour retrouver, avec un peu de chance les sentiers du matin.
L’heure déjà avancée , l’examen de la pente aux dessus de nos têtes qui m’apparaît longue mais praticable, l’état de fraîcheur des troupes, me font opter pour la dernière proposition.
C’est à cet instant qu’un groupe de trois personnes nous rejoint. Malgré leur présence réconfortante je maintien mon projet. Ils sont apparemment mieux équipés , plus aguerris et sûrement plus rapides et de plus je n’ai pas pour habitude de demander assistance avant que cela soit indispensable. Irresponsabilité ? imprudence ? Hélas sur l’instant je suis seul juge et en l’espèce la responsabilité ne se délègue pas !
Encordement à 15 m à trois par corde, pour d’abord se mettre au sec, puis tenter d’atteindre la crête avant la nuit. Deux partis sont possibles après une remontée droit au sud :
- Traversée ascendante vers l’est pour gagner une brèche derrière une aiguille rocheuse, mais sans appréciation possible sur la suite.
- Traversée ascendante vers le nord ouest en direction de la crête si un passage acceptable permet de gagner la forêt que nous apercevons sur notre droite.
J’attaque la première longueur par des escaliers de géants herbeux à souhait et au bout de 20 m je découvre un anneau de rappel « hors crue » fixé sur un buis de bien petite taille ! Je renonce à reprendre le cours du torrent
Je fais venir ANDREE puis PASCALE. Derrière , la troupe s’organise lentement, trop lentement à mon goût . Je dois faire amende honorable, car je me sens responsable d’explications par trop succinctes sur la technique à mettre en œuvre , cela par des néophytes venus pour descendre une gorge et non pour s’enfuir en escalade. Plutôt que de me précipiter vers le salut, j’aurais dû m’efforcer à être plus didactique, surtout en présence d’un auditoire d’enseignants et sacrifier au vieil adage : « allons lentement : nous sommes pressés ».
Toutefois je suis convaincu que l’accès à la crête , en terrain varié et difficile , nous prendra plusieurs heures si nous ne trouvons pas d’issue intermédiaire.
Rassuré sur la progression du reste du groupe , je reprends mon ascension qui m’amène contre un petit mur couronné d’une falaise dont l’escalade ne m’apparaît pas possible pour l’ensemble de notre groupe. J’effectue une reconnaissance vers la gauche pour découvrir une série de baumes et d’abris sous roche surmontés d’une falaise surplombante apparemment infranchissable . La seule issue, s’il y en a une , sera à droite vers le nord soit en longeant la falaise si cela est possible, soit en rappel vers la forêt au dessous de nous! Assuré par ANDREE, je franchis le petit mur herbeux de trois mètres et je consolide un relais sur une grosse lunule de rocher. Je pars immédiatement à droite pour vérifier si la vire se poursuit et permet de regagner la forêt en contrebas.
Le 13 ! impair et….gagne !..une vire ténue de 20 cm permet d’atteindre une rampe sous un surplomb et de là amène à la forêt convoitée, par une simple marche.
En attendant le regroupement de participants, je pars vers l’est , en montée raide pour vérifier la possibilité de passage dans le couloir derrière l’aiguille . La difficulté de ma progression me fait rapidement renoncer et je reviens vers ANDREE et AUDREY pour les aider à faire venir PASCALE et ses poursuivants qui tardent un peu à la rattraper.
Avant qu’ils ne soient tous là, je traverse vers la droite , cette fois, à travers un taillis dense de buis (je sens qu’ANDREE va encore se plaindre d’odeur de pisse de chat…) pour regagner une zone dégagée où nous nous rassemblons. Une nouvelle évolution vers l’ouest nous conduit, hélas, au bord de la falaise verticale qui domine les gorges en aval . Il nous faut réorienter notre marche vers le nord en direction de la base d’une aiguille. Parti en éclaireur , je constate que nous pouvons poursuivre dans des conditions acceptables jusqu’à la crête qui devrait pouvoir être atteinte en quelques heures.
Notre escouade à nouveau rassemblée à l’ouest de l’aiguille, en bordure de falaise, je remonte les taillis , maintenant plus clairsemés , mais plus hauts et oh , miracle, débouche sur une vague trace, raisonnablement marquée qui peut me faire espérer qu’elle est d’origine humaine et non animale . Je rameute les plaignants qui enfin retrouvent un semblant de sourire et de bonne humeur malgré la fatigue accumulée.
L’espoir renaît ; peut être pourrons nous coucher dans un lit ce soir ! L’ersatz de sentier s’enfuit en ascendance à droite, vers l’ouest, puis suit tant bien que mal les courbes de niveau. La trace, ténue , s’affermit, disparaît, joue avec nos nerfs. Bientôt, nous décidons de nous débarrasser de nos combinaisons qui si elles nous ont protégés des éraflures et de l’agression d’une végétation particulièrement affectueuse dirons certains ; nous oppressent et gênent nos mouvements. C’est l’occasion de décompresser , d’évacuer le surplus de tension. Le ton chahuteur reprend le dessus, l’heure n’est plus au rationnement, recommandé tout à l’heure, et nous vidons les gourdes conservant toutefois une poire pour la soif.
Nous suivons à nouveau le fil d’Ariane qui disparaît dans un couloir. Faut il monter ? descendre ? Je n’ai pas trop envie de retourner vers les gorges situées quelques centaines de mètres au dessous de nous. Nous optons pour une légère redescente permettant de contourner par la droite une aiguille qui nous barre le chemin . Là, le sentier imperceptible s’insinue dans la végétation , solidement appuyé sur un muret de pierres dont l’architecture ne doit rien à la sauvagine mais à la main de l’homme qui à l ‘évidence a déjà mis le pied en ces endroits. Nouvel arrêt pour restaurer les plus éprouvés ! raisins secs, mars, nuts sortent des bidons ! Encore une descente un peu raide qui nous permet d’embrasser le confluent des ravins d’ANGOUÏRE et de VENASCLE surmontés de falaises virant de l’ocre au gris sombre , taillées dans « les calcaires compacts récifaux , du Portlandien (jurassique supérieur ) , faciès tithonique dont l’épaisseur peut dépasser 300 m ». Là bas , en aval des résurgences, un pré vert enceint une piscine bleu d’azur qui renoue notre équipée avec une civilisation trop longtemps oubliée et génère chez certains une avidité de confort.
En écharpe à gauche , le sentier franchit la crête, ici particulièrement basse , pour nous déverser dans les ravins au dessous des falaises de l’OURBES , en vue du GR4 emprunté le matin même.
Le GR retrouvé, nous retrouvons aussi deux bouteilles pleines d’eau , précieusement conservées en vue d’un bivouac éventuel ! L’heure n’est plus aux économies ; à moins d’un quart d’heure des voitures nous allégeons nos charges , du moins celle de FRED qui a, avec abnégation, assuré le portage jusqu’ici.
Nous atteignons enfin les véhicules qui attendent sagement, sans inquiétude, aucune. Peu après , les trois personnes rencontrées en amont, arrivent ; il est déjà 19 H.
Sans doute est il facile , après coup , de trouver sage notre décision d’abandonner la poursuite de la descente. Probablement nous aurions pu passer en équipant hors crue, mais , l’importance de notre groupe, immobilisé longuement à chaque rappel , ne nous aurait pas permis d’arriver avant 21 H et même plus tard.
Sans doute , la chance a –t’elle été de notre côté puisque nous sommes passés sans trop d’atermoiements , toujours très éprouvants pour le moral. Une nouvelle fois, nous recevons un avertissement sans frais, cela dans « un très beau parcours , très facile , pour débutants » et que je connais parfaitement.
Malgré l’aspect ludique et aisé du canyon , j’aurais du relire le topo guide qui précise « …beaucoup plus sportif au printemps et en cas de crue…. » ; des frontales , quelques couvertures de survie supplémentaires , un marteau et divers pitons , n’auraient pas été de trop . Enfin , une plus grande familiarisation des participants aux manœuvres de cordes et aux systèmes de réchappe reste indispensable.
Malgré cette descente partiellement avortée , il est probable que cette équipée restera plus sûrement dans les mémoires et sera plus formatrice que l’accomplissement banal de la sortie dans des conditions « idéales » d’étiage.
Un prochain été , nous y retournerons pour rire de nos émois, détendus et totalement disponibles aux seuls aspects ludiques de l’exercice.
TOPO VAL D’ANGOUÏRE
( EN PROVENCAL : LA VALLEE DES ANGOISSES )
Visiter Angouïre, c’est tout d’abord effectuer une superbe marche d’approche sur le plateau, aride et écrasé par le soleil….c’est ensuite descendre un canyon aux passages mystérieux, quasi souterrains. La sortie, qui peut paraître fastidieuse, est un enchantement pour celui qui sait observer les phénomènes géologiques naturels : plis superbes, cascades de tuf et sources , et parfois même animaux et oiseaux de tout genre…là haut , l’aigle veille…Mais il faut veiller à ne pas déranger les pécheurs locaux et surtout les riverains que les nombreux adeptes de cette attachante classique, trop souvent peu discrets, ont rendus méfiants.
Situation
- Département des Alpes de Haute Provence.
- Commune de Moustiers Sainte Marie.
- Affluent de La Maïre , à l’est de Moustiers.
- Carte IGN 1/25000 , n° 3442 Ouest.
- Bibliographie : Descentes de canyons au Verdon, B. Gorgeon, Lei Lagramusas.
- Carte Michelin n° 81.
Dimensions
- Longueur : 5 kilomètres.
- Altitude de départ : 870 mètres.
- Altitude d’arrivée : 630 mètres.
- Dénivelé : 240 mètres.
Horaire
- 2/3 H – HOD : 12 H.
Accès
Amont : se garer au carrefour de St Clair , entre la D 952 et la D 957. De là, suivre le GR 4 qui monte vers La Palud ( raide ) . Arrivés sur le plateau de l’Ourbes , prendre sur la gauche le tracé jaune , vers le nord, qui amène au fond du ravin ( 1H 30 ). Là se situe le départ de la clue.
Aval : rester dans le lit du torrent jusqu’à la route, sortir sous le pont, puis rejoindre la voiture au carrefour de St Clair.(propriétaires irascibles , armés jusqu’aux dents !).
Navette
Plusieurs possibilités de navettes existent, mais toutes plus longues que la marche d’approche , et toute sur pistes plus adaptées au véhicules 4X4 qu’aux voitures de tourisme.
Caractéristiques de la course et difficultés
Le val d’Angouïre est malheureusement très souvent asséché excepté quelques vasques et sur le bas au niveau des résurgences. Quelques vasques permettent parfois des sauts, mais il y a très peu de nage à proprement parler. La descente est un peu engagée sur la fin , en raison des difficultés, mais dans l’ensemble c’est un canyon facile.
( beaucoup plus sportif au printemps et dans le cas d’une crue !). La période conseillée pour la descente, s’étend de juin à septembre.
Matériel
Une corde de 40 m.
Equipement en place
Spits doublés de chaînes.
Géologie
Canyon creusé , comme la quasi-totalité des canyons de haute Provence et en particulier du Verdon, dans des calcaires récifaux très compacts du portlandien ( jurassique supérieur). Faciès tithonique dont l’épaisseur dépasse 300 m.
Description
Progression très facile comprenant une dizaine de rappels. Le val d’Angouïre se resserre dès le début pour aboutir sur u ressaut de 5 m.. Un peu plus loin, c’est un ressaut de 9 m qui constitue un nouvel obstacle. Un parcours sans difficultés conduit à un ressaut de 6 m. On descend la prochaine cascade qui fait 10 m pour arriver finalement sur deux verticales successives qui totalisent un rappel de 20 m .A cet endroit on progresse dans une superbe salle d’érosion en forme de poire …a noter un beau saut dans une vasque d’eau verte et profonde (shunt éventuel RD ) . Le dernier rappel fait 20 m et correspond à un élargissement du canyon.
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